L’histoire de cœur de Jennifer

 
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Jennifer

« #ElleNousTientÀCoeur, car…

Je n’avais personne avec qui parler de cardiomyopathie du péripartum. Je me sentais très seule. J’espère que mon histoire rassurera d’autres femmes qu’elles ne sont pas seules. »

Il y a 22 ans, j’ai accouché d’une belle petite fille. Six jours plus tard, je recevais un diagnostic de cardiomyopathie du péripartum.

Ma grossesse s’était déroulée comme la première, surtout dans les premiers mois. J’avais mal au cœur, j’étais fatiguée et je ne supportais pas certains aliments. Le dentifrice me donnait la nausée, ce qui était nouveau et, comme vous pouvez l’imaginer, pas tellement pratique. J’étais plus corpulente au début de ma deuxième grossesse qu’à la première, car mon fils n’avait que 13 mois (oui, j’ai eu mes enfants un après l’autre!). À la fin du second trimestre, j’avais encore des nausées matinales, et elles ont continué tout au long de ma grossesse. Ma tension artérielle était parfaite. J’ai passé les neuf mois à 120/80. Durant le troisième trimestre, j’avais la tête qui tournait, mais je blâmais la grossesse. J’étais vraiment enceinte jusqu’aux yeux : j’ai pris autant de poids que pendant ma première grossesse, mais il était distribué uniformément.

Mon premier accouchement s’est déroulé par césarienne, ce que j’espérais éviter pour le deuxième. Je travaillais au centre-ville à l’époque et j’avais l’habitude de marcher de mon bureau au City Centre Mall, ce qui me faisait une marche d’une demi-heure aller-retour. Mon médecin trouvait que c’était une bonne idée. J’étais en santé, mon bébé était en santé et l’exercice était bon pour les muscles de mon plancher pelvien.

La fin de semaine avant la date prévue de mon accouchement, le bébé ne donnait bien sûr aucun signe de vouloir sortir. Mon médecin me suit depuis longtemps, et nous étions tous deux d’accord que le travail en resterait là. Nous avons donc programmé une césarienne à la date prévue de mon accouchement. Puis j’ai attrapé le rhume et une vilaine toux. La joie! Il n’était toutefois pas question de retarder l’accouchement, le bébé devait sortir. Tout s’est bien passé. J’ai accouché d’une petite fille de 9 livres et 6 onces, et mesurant 52 cm. Elle était bien potelée de la tête au pied, et on aurait dit qu’elle avait trois mois. Un vrai beau gros bébé en santé! On comprend mieux maintenant pourquoi j’avais pris autant de volume durant ma grossesse.

La nuit avant ma sortie de l’hôpital, j’ai commencé à sentir un poids constant sur ma poitrine. Je n’arrêtais pas de monter ma tête de lit dans l’espoir d’être mieux. 

Le fait de lever la tête de lit allégeait la pression un peu. Comme je toussais encore, je pensais que c’était la cause de la sensation. Mon médecin est venu prendre de mes nouvelles avant mon congé, et j’ai failli ne rien lui dire. Pourquoi j’embêterais mon gynécologue avec ça? J’ai quand même fini par lui en parler. Il m’a examinée et a suggéré que j’avais peut-être de l’eau sur les poumons à cause de l’opération. Ma sortie de l’hôpital a été reportée et on m’a fait passer une batterie de tests. Une des infirmières, qui est rapidement devenue ma préférée, m’a dit qu’un groupe de médecins débattait de mon cas au poste des infirmières. Ils ne savaient pas ce que j’avais. Le groupe était composé de mon gynécologue, un cardiologue, plusieurs résidents, un spécialiste en médecine interne et quelques autres.

Enfin, après six jours à l’hôpital, le spécialiste en médecine interne est passé me voir autour de 19 h et m’a annoncé sans ménagements que je souffrais d’une cardiomyopathie du péripartum. Il m’a expliqué crûment ce que ça voulait dire, puis s’est assis et s’est mis à lire mon magazine. Je suis restée là, abasourdie, hésitant stupidement à interrompre sa lecture. Il a fini par partir, et mon mari est arrivé. Quand je l’ai vu, je me suis mise à pleurer. Comme j’avais besoin de bouger, je lui ai tout raconté en marchant avec lui dans les couloirs de l’hôpital. Mon cœur était trois fois la taille normale, mon débit de filtration glomérulaire était de 35. J’avais une chance sur trois que la maladie s’aggrave, se stabilise ou s’atténue. Ma tension artérielle était d’environ 153/98, notre courte marche m’avait mise à bout de souffle. 

Cette « chose » survient de façon spontanée dans une grossesse sur 1000. Mon gynécologue était dans tous ses états. J’étais son premier cas de cardiomyopathie du péripartum, et il me connaissait depuis que j’avais 14 ans. La nouvelle a été un coup dur pour lui aussi. Je n’avais eu aucun symptôme. Surprise totale.

Une fois revenue du choc initial, je me suis rendue à l’évidence. J’avais un bébé et un enfant de deux ans, je n’avais pas le temps de m’apitoyer sur moi-même ou de chercher des stratégies pour mieux vivre tout ça. J’ai suivi les recommandations de mes médecins, je me suis présentée à tous mes rendez-vous, j’ai pris tous mes médicaments et je suis passée à autre chose. Ce n’est qu’à l’été que la colère a remonté à la surface. Mon fils voulait jouer au tag dans la cour et j’en étais à peine capable tellement j’étais faible et à bout de souffle. Ma rage contre ma maladie s’exprimait enfin.

Mon état a fini par s’améliorer, mais il a fallu des années (jusqu’au milieu de l’adolescence de mes enfants). Aujourd’hui, mon débit de filtration glomérulaire est de 55 et ma tension artérielle, de 122/80. Je vais mieux et je me sens bien.

J’ai toujours voulu partager mon histoire avec d’autres femmes, et je vous remercie de m’en avoir donné l’occasion. Ce sont des choses qui arrivent et — impossible de le dire autrement — ça écœure.

 

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